Après avoir annulé l’exposition sans autre forme de procès, Christian Manable s’est justifié selon les arguments suivants, repris dans toute la presse : « C'est en pleine conscience que j'ai pris cette décision, car j'ai estimé que certains dessins étaient vecteurs d'une image dégradante de la femme et je refuse que la collectivité départementale soutienne une telle approche de la sexualité, qui me semble opposée à nos valeurs d'émancipation. » Selon lui, « certaines images ne permettent pas de faire la distinction entre femme et enfant et nous ne tenons pas à ce qu'on nous fasse de mauvais procès ».
A bien regarder les images, (voir rubrique Le choix des oeuvres), on se demande un peu si l’élu ne pècherait pas par excès de pudibonderie, pas peur des poursuites judiciaires, et des critiques. Selon les propos de Bernard Joubert, spécialiste de la censure : « Tout est dans l’oeil de celui qui regarde » (extrait du Blog du Courrier Picard: http://blogs.courrier-picard.fr/bulles-picardes/tag/censure/)
En effet, rien de bien méchant, de provocateur ou de pornographique, dans ces dessins, parfois coquins ou sensuels, mais surtout poétiques, humoristiques et bons enfants. A se demander si Christian Manable ne confondrait pas érotisme et pornographie.
Parmi ces illustrations, celle que le Président du Conseil Général de la Somme juge particulièrement « misogyne » et « portant atteinte aux droits de la femme », c’est l’illustration de Bruno Heitz représentant une femme nue à quatre pattes dans l'herbe posant pour un peintre assis sous un arbre, avec, sur sa planche à dessin, la tête de la Vache qui rit. Là où l’élu voit un amalgame dégradant, d’autre y voit un hommage clin d’œil à Benjamin Rabier, créateur du personnage publicitaire. Comme quoi.
Bruno Heitz - Benjamin Rabier au travail in Peintres et modèles
Pour Bruno Heitz, interviewé par Julie Zaoui pour le journal La Provence (voir la rubrique Bibliographie), "Tous les artistes, qu'ils soient dessinateurs ou photographes, s'aventurent sur ce terrain. (…) Les gens aujourd'hui ont la trouille de tout, même des apéritifs Facebook… Il s'agit d'une belle cagade de communicant!"
En réponse à cette polémique Bruno Heitz a d’ailleurs proposé un dessin inédit, qu’il a titré : “N’allez surtout jamais montrer ce dessin dans la Somme, on dirait que j’insulte les chèvres.”
Bruno Heitz - N’allez surtout jamais montrer ce dessin dans la Somme,
on dirait que j’insulte les chèvres
on dirait que j’insulte les chèvres
Les autres illustrateurs, censurés au même titre que Heitz, prennent également cette décision avec humour. Pierre Cornuel, s’interroge ainsi : « Quand j’ai appris cette censure, j’ai éclaté de rire tellement cela me semblait débile. Comment en est-on arrivé, en 2010, à devoir justifier une telle expo ? ». Léo Kouper, l’affichiste auteur du visuel de l’affiche de l’exposition lui s’est déclaré plutôt “flatté” au journaliste du Courrier Picard, Daniel Muraz.
Voici donc bien la preuve que « Les artistes, la sensualité et l'humour font notre monde meilleur, bien plus que les censeurs. » (phrase issue du Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création, daté au 27 mai 2010 - voir la rubrique Bibliographie)
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