samedi 14 mai 2011

La question de l’initiative personnelle et du discernement

La responsabilité de la décision de l’interdiction de l’exposition « Pour adultes seulement » en incombe au seul président du Conseil Général de la Somme, Christian Manable.

En effet comme nous l’avons indiqué dans la rubrique Chronologie, l’exposition conçue par Janine Kotwica, est une commande du conservateur en chef de la Bibliothèque Départementale de prêt de la Somme, établissement placé sous la responsabilité du Conseil Général. Le projet a donc été suivi par l’administration de tutelle. En février 2010, lors d’un rendez-vous au Conseil Général, Janine Kotwica et Hervé Roberti avaient présenté à David Andrieux, Directeur du Développement Culturel du département de la Somme, les originaux sélectionnés, et avaient choisi avec lui l’illustration qui représenterait l’exposition sur l’affiche. David Andrieux se serait alors, selon Janine Kotwica, montré « admiratif », « étonné », et « séduit », et aurait même encouragé la commissaire de l’exposition à donner à son travail le plus d’écho possible en la programmant dans un lieu prestigieux. En mai, Janine Kotwica avait confié un exemplaire du travail de catalogue à David Andrieux. Le résultat avait été validé par le directeur, sans soupçonner l’annulation brutale deux jours plus tard. Entre temps, le président avait demandé à voir les œuvres, et avait été « choqué » au moins par deux d’entre elles.

Le rapport de Janine Kotwica, dans le catalogue de l’exposition, nous permet de considérer cette décision comme une initiative personnelle et isolée du Président, sans tenir de l’avis de son Directeur à la Culture qui semblait jusque là favorable au projet, sans chercher non plus la négociation avec la directrice de l’exposition ou le conservateur (retirer certaines œuvres au profit d’autres, ajouter des mises en garde…).

Or quel est le droit d’un élu de décider seul pour ses administrés ? Quel est son rôle ? D’après le Secrétariat national à la culture du Parti Socialiste, comment l’élu de son parti doit-il se situer ?
Comme indiqué dans la lettre du Secrétariat adressée à Christian Manable, il faudrait que l’élu s’attache à défendre « l'indépendance de programmation et de conception des responsables d'institutions culturelles et d'expositions », et à « soutenir la liberté d’expression et de création artistique ». Cette position cherche à préserver l’éthique et la responsabilité des médiateurs culturels et des artistes.
Si suite à une décision fidèle à cette direction, les élus se retrouvaient confrontés à des réactions du public devant des œuvres d'art, il faudrait alors rétorquer que la liberté de juger leur a été donnée, en assurant la diffusion des œuvres, selon le communiqué.

Comme exposé par Elisabeth Caillet ou par Catherine Bertho Lavenir dans Pour une éthique de la médiation culturelle ? (n°177 de Raison Présente) (voir la rubrique Bibliographie), ces affaires de censure ou d’autocensure révèlent l’importance de la formation des médiateurs pour défendre les artistes, de celle des pouvoirs publics pour discerner la provocation gratuite de l’innovation artistique, et enfin de l’éducation artistique des publics pour recevoir les œuvres qui leur sont proposées avec la distance nécessaire vis à vis du discours qu’elles énoncent.

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